
Résumé :
Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
« Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.
Genre : Témoignage
Parution : Grasset – 2 Janvier 2020
Mon avis :
A l’heure de #Metoo et de la libération de la parole des victimes de viol, il est des ouvrages qu’il est presque de nécessité de publier et de lire. Pour parler, pour ne plus banaliser ces crimes, pour faire entendre sa voix, mais aussi celles de toutes les autres victimes. Le Consentement fait partie de ces ouvrages dont on sait en l’ouvrant qu’on n’en ressortira pas indemne. Que quelque chose en nous sera différent.
Je dois dire qu’au départ, je ne voulais pas le lire. J’avais peur de ce que j’allais ressentir. Moi, l’hypersensible, j’avais peur de me prendre dans la gueule toute la souffrance d’une victime. Ironique quand on sait que je bosse dans la justice… Pourtant, j’ai fini par lire le témoignage de Vanessa Springora. Et j’ai eu l’impression de passer des heures en apnée tellement ce récit prend aux tripes et nous les retourne. C’est un récit tellement brutal, tellement dur à lire et à encaisser, mais tellement nécessaire à mettre en lumière en même temps, qu’il m’a fallu faire des pauses dans ma lecture. Impossible de tout enchaîner d’une traite, mais impossible de le lâcher aussi.
Il faut dire qu’on passe notre vie à essayer de se convaincre que les horreurs n’existent pas hors des films et des livres (spoiler : ce n’est pas le cas), alors forcément, quand on se retrouve confronté à elles… C’est difficile. Pourtant, je suis persuadée que des ouvrages comme celui de Vanessa Springora sont nécessaires. Parce qu’ils mettent en lumière, avec énormément de pudeur et de talent, la réalité d’un monde sombre. Si l’on pense qu’un milieu est épargné, c’est probablement que l’on se voile la face. Après tout, pourquoi les milieux littéraires (et donc intellectuels) seraient plus épargnes face aux horreurs qu’est capable de commettre l’être humain ?
Le témoignage de Vanessa Springora ne questionne pas seulement sur la question de la pédophilie. Pour moi, il va plus loin que cela et interroge notre rapport au consentement, à la sexualité, au monde qui nous entoure. Tout le long du livre, je me suis demandée comment les gens avaient pu cautionner de tels actes. Pourquoi personne n’a rien dénoncé, n’a rien fait, n’a rien dit… Pourquoi sa propre mère ne s’est pas opposé à sa fille et à cette relation malsaine ? Différente époque, différente mœurs, certes, mais l’époque n’excuse pas tout, voire n’excuse rien du tout quand on parle d’un enfant.
Alors, même s’il est dur à lire parfois, même si on le lit en apnée en espérant que Vanessa Springora a su se reconstruire malgré tout ça, même si le récit nous retourne… Je pense sincèrement qu’il est important de lire cet ouvrage, et de ne pas se limiter au battage médiatique. C’est un titre plein de retenu et de pudeur qui nous brise le cœur, mais qui brise aussi un tabou. Alors pour tout ça : merci Vanessa.